Accueil / Citoyens / Patrimoine / Espace #PatrimoineVDQ / 2022 / La Chronique des ex : incursion dans la mode de l’époque
Texte de Mathieu Marcotte, Pauline Uwamahoro, Mélanie Roux, Jennifer Coutu et Jean Marceau.
Cette chronique présente les trouvailles et découvertes réalisées dans le cadre du projet de traitement des archives des anciennes villes qui composent aujourd’hui la Ville de Québec.
Travailler dans les archives de la Ville de Québec, c’est aussi ne pas savoir sur quoi on peut tomber. Chaque jour nous amène à découvrir de petites parcelles de notre histoire, et récemment, notre équipe est tombée sur une série de publicités relatives à la mode… Vous comprendrez qu’on ne parle pas des modes récentes. Nous avons donc eu envie de partager avec vous ces quelques documents et images. Nous vous proposons donc un voyage dans le passé en trois escales pour découvrir les enseignes les plus connues de Québec. Bon voyage!
L’histoire du commerce des vêtements et des accessoires de mode de la capitale est intimement liée à celle des grandes artères du quartier pittoresque du Vieux-Québec. En effet, dès le XIXe siècle, la rue Saint-Jean devient le lieu de prédilection d’un grand nombre de marchands qui établissent leurs commerces dans des édifices à étages faisant aussi office de domiciles. L’un des premiers magasins à avoir pignon sur la rue Saint-Jean est celui de John Simons. Oui, oui, celui-là même à qui nous devons notre grande chaîne Simons!
Vers 1840, John Simons, alors âgé de 17 ans et fils d’un immigrant écossais, s’installe à Québec. Sa carrière dans les affaires débute rapidement avec une première boutique à proximité des portes Saint-Jean, où il vend des marchandises sèches d’importation. En 1870, il déménage son entreprise au 20, Côte de la Fabrique. Celle-ci s’y trouve encore aujourd’hui et est le siège social de l’entreprise familiale qu’est Simons. Près d’un siècle plus tard, soit en 1952, Donald Simons modernise la boutique, qui devient dès lors un magasin à rayons.
Poursuivant sur sa lancée, l’enseigne québécoise développe des lignes de vêtements comme Twik, Contemporaine et Le 31. Beaucoup de chemin fut parcouru depuis l’ouverture de la boutique sur la côte de la Fabrique : après avoir conquis le Québec, pourquoi pas l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique? Voilà la genèse du succès d’un fleuron québécois.
Un peu plus loin, à l’angle des rues Buade et du Trésor, se dressait jadis le magasin du chapelier Holt Renfrew. Après Simons et son Écosse natale, le succès celtique continue avec William Samuel Henderson, originaire d’Irlande, qui débarque à Québec au printemps 1834 avec une cargaison de chapeaux. Ce n’est toutefois qu’en 1837 qu’il inaugure sa boutique. L’année suivante, l’homme transporte ses affaires au 3, rue de la Montagne : le magasin prend alors le nom de William Ashton & Co. Plusieurs changements d’adresse s’ensuivent.
La popularité du magasin est telle qu’en 1886 il est nommé fournisseur officiel de la reine Victoria. L’année 1889 est d’importance pour l’entreprise puisqu’elle ouvre une succursale sur King Street East à Toronto et adopte l’appellation de G.R. Renfrew & CO, et ce, jusqu’en 1909 où elle prend le nom définitif de Holt, Renfrew & Co. L’entreprise s’installe aussi à Montréal en 1910.
Au cours du XXe siècle, l’expansion d’Holt Renfrew se manifeste également par l’ouverture de boutiques à Montréal, Sainte-Foy, Ottawa et Calgary, de même que par une collaboration avec le couturier Christian Dior en 1947. Toutefois, en janvier 2015, les magasins de Sainte-Foy et d’Ottawa ferment leurs portes.
L’histoire de la mode du quartier Saint-Roch ne se termine toutefois pas avec Holt Renfrew… La suite à la prochaine escale!
Poursuivons notre exploration du riche héritage de la Capitale-Nationale en matière de mode. En effet, vers la fin du XIXe siècle, certaines rues du quartier Saint-Roch détrônent le Vieux-Québec comme principale artère commerciale avec l’établissement de grands magasins sur la rue Saint-Joseph.
L’histoire du magasin Paquet débute avec un incendie – un parmi tant d’autres dans le quartier, mais ce sujet a déjà été traité dans un autre billet –, soit celui du faubourg Saint-Jean-Baptiste en 1845. Un certain Zéphirin Paquet et sa femme, Marie-Louise Hamel, perdent alors tous leurs biens, à l’exception d’un troupeau de vaches laitières. Son épouse décide de confectionner des chapeaux destinés à la vente afin de subvenir aux besoins du ménage. C’est ainsi que la première boutique des Paquet voit le jour en 1846.
La rentabilité de la boutique est telle que Zéphirin se départit de son commerce laitier et s’investit proprement dans la boutique. À la suite d’un second incendie (encore un!), le couple déménage au 153-173, rue Saint-Joseph, et ouvre le grand magasin Paquet en 1890.
L’innovation de l’enseigne se reconnaît par son ascenseur, sa tour de six étages, ainsi que son garage et son écurie à la disposition des clients. Zéphirin est aussi le premier à installer un escalier roulant dans un magasin de la ville de Québec.
Progressivement, les locaux accueillent une salle de cinéma, un restaurant et un royaume du père Noël. La compagnie réussit, au fil des générations, à s’étendre aux centres commerciaux comme Place Laurier, Place Fleur de Lys et les Galeries Chagnon.
Outre la qualité du service à la clientèle, la popularité du magasin Paquet passe par ses vitrines hautes en couleur. Avec des mannequins tenant les premiers rôles dans des scènes diversifiées comme l’espace et les fêtes de Noël, il était difficile de ne pas les contempler.
Les dernières années de Paquet sont marquées par la concurrence des grandes chaînes américaines et par une grève des employés en 1981. L’entreprise de Québec met alors la clé sous la porte après presque 135 années d’opération.
Toujours dans le quartier Saint-Roch, au coin des rues Dorchester et Charest, se démarque l’entreprise Dominion Corset Manufacturing Company. L’entreprise a été fondée en 1886 par Georges Élie Amyot. D’abord installée dans un bâtiment d’allure plutôt modeste, l’usine change à quelques reprises de façade jusqu’en décembre 1911 où elle adopte son style victorien reconnaissable.
Les chroniques de l’entreprise sont teintées de succès, que ce soit grâce à d’excellents chiffres d’affaires, une réputation étincelante ou encore une capacité de production grandissante s’étendant jusqu’à Matane, Montréal et Toronto.
Le corset étant intimement lié à la femme, les cadres ont décidé d’enfin l’impliquer dans le processus en engageant une main-d’œuvre exclusivement féminine. Malgré la rigueur du travail en usine, bien des femmes célibataires peuvent subvenir à leurs besoins, et ce, dès les années 1920.
Au fil des modes, le corset voit sa forme changer. Vers la fin du XIXe siècle, soit au moment de l’érection de la première usine du Dominion Corset, l’accent est mis sur la finesse de la taille et l’ampleur du buste. Puis, les années 1920 amènent la caractéristique silhouette tubulaire aplatissant les rondeurs jadis prisées.
Après un hiatus pendant la Seconde Guerre mondiale, la taille de guêpe revient en force pendant les années 1950. C’est d’ailleurs cette décennie qui marque l’âge d’or du Dominion Corset, qui lance les lignes Sarong et Daisyfresh, misant sur les soutiens-gorges.
Les années 1960 voient le déclin du corset avec l’arrivée du bas-culotte : on peut enfin respirer! Ces changements dans la mode s’arriment avec l’affranchissement du corps féminin et le mouvement de libération sexuelle des années 1970, deux nouvelles réalités qui portent un lourd préjudice à la production de Dominion Corset.
En 1988, rachetée par Canadelle Wonderbra, la manufacture de la basse-ville est abandonnée et la production s’établit dans le parc industriel de Vanier. Le bâtiment de Saint-Roch est réaménagé pour accueillir le Centre de développement économique et urbain (CDÉU) de la Ville de Québec et l’École des arts visuels de l’Université Laval.
Toujours sur le boulevard Charest, le grand magasin Pollack connaît également son heure de gloire au XXe siècle. Fondé par l’immigrant ukrainien Maurice Pollack en 1911 (vive la diversité culturelle!), le magasin prend rapidement de l’expansion, à la fois territoriale et au niveau des produits offerts. La clientèle s’avère plutôt modeste et rurale, les ouvriers ne trouvant pas satisfaction dans les autres commerces de la ville.
En 1951, Maurice Pollack inaugure un nouveau magasin de cinq étages spacieux et moderne avec des escaliers roulants, des ascenseurs et des vitrines illuminées 24 heures sur 24 et couvrant tout le rez-de-chaussée. WOooww! C’est à ce moment qu’il cède la direction de son entreprise prospère à ses trois fils.
Les années 1970 marquent le déclin du grand magasin Pollack en raison des changements d’habitudes des consommateurs qui se dirigent désormais plus volontiers dans les centres commerciaux grâce à notre bonne amie la surconsommation. D’ailleurs, Place de la Cité fût construit à partir d’un ancien magasin Pollack. Le patriarche de la famille décède en 1968 et sa boutique ferme ses portes en 1978.
Le magasin de Jean-Baptiste Laliberté est inauguré dans un prestigieux édifice de la rue Saint-Joseph en 1867. Dans la mouvance de l’époque, la fourrure y occupe une grande place, notamment dans les manteaux et les accessoires.
La famille Laliberté réussit un tour de force en conservant la prospérité de l’enseigne jusqu’au début des années 1940. Pendant cette période, l’offre des produits se diversifie avec des rayons pour la mode masculine, féminine et enfantine, ainsi que les chaussures. En avance sur leur temps, ils offraient également de la décoration, des jouets et des électroménagers.
Puis, Jean-Baptiste Laliberté cède son commerce à un groupe d’actionnaires parmi lesquels se trouve François Morisset, qui en deviendra l’unique propriétaire en 1950, suivi de Jacques Morisset dans les années 1960.
Le déclin de Laliberté s’amorce dans les années 1980 en raison de la croisade de Brigitte Bardot pour la défense des droits des animaux qui suscite une baisse marquée de la vente de fourrures. Malgré une restructuration vers 1995, les habitudes des consommateurs, la vente en ligne, l’absence de relève et les changements du marché ont raison de cette institution du quartier Saint-Roch, qui ferme officiellement en 2020.
Nous n’avons pas tendance à penser de Québec qu’elle est une ville de la mode, mais, comme le démontrent les nombreux et réputés commerces qui y ont pris naissance et qui y ont fleuri dans notre belle capitale, Paris et Milan devraient être jaloux!
Simons :
Holt Renfrew :
Laliberté : Magasin Paquet :
Dominion Corset:
Pollack:
Retour
Partagez cette page :