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Patrimoine

L’archéologie dans le Vieux-Limoilou – Hedley Lodge

28 novembre 2022

Rédaction : Stéphane Noël, archéologue à la Ville de Québec,
Rachel Archambault, archéologue spécialiste en culture matérielle et
Allison Bain, professeure titulaire en archéologie à l’Université Laval

Grâce aux fouilles archéologiques réalisées dans les dernières années dans le Vieux-Limoilou, par la Ville de Québec et l’Université Laval, on peut en apprendre davantage sur les gens qui ont habité le quartier au fil du temps, mieux connaître leur quotidien et parfaire nos connaissances sur notre histoire collective.

Découvrez l’histoire passionnante d’un site important du Vieux-Limoilou : Hedley Lodge, aussi nommé site Anderson.

Hedley Lodge

En 1806, le commerçant-boucher Anthony Anderson acquiert de grandes terres qui couvrent une importante partie du Vieux-Limoilou actuel. Vers 1812, Anderson fait construire sa demeure principale, une grande maison en pierres de deux étages surnommée Hedley Lodge. L’endroit est notamment l’hôte d’expositions agricoles au cours des années 1820 et 1830. Anderson est également l’un des propriétaires du 2e pont Dorchester construit en 1820‑21, un pont à péage qui reliait la rive nord de la rivière Saint-Charles au quartier Saint‑Roch.

Après le décès d’Anthony Anderson en 1847, son fils Horatio Smith Anderson et sa famille occupent les lieux jusqu’à la fin des années 1860. Le recensement de 1861 indique que 11 membres de la famille d’Horatio demeurent à Hedley Lodge, en plus de sept domestiques. La présence d’autant de domestiques confirme qu’ils faisaient partie de la haute bourgeoisie de Québec.

Demeurant la propriété de la famille Anderson jusqu’à la vente à la Quebec Land Co. en 1906, la résidence est toutefois louée à Charles Théodore Pitl et sa famille entre 1868 et 1897. D’origine allemande, Charles Pitl s’installe à Québec au début des années 1860. Il est notamment marchand pour Weston Hunt à Québec et consul d’Allemagne entre 1871 et 1897. Il se maria en 1873 à Marie-Elizabeth Mathilda Lemelin et ils eurent quatre enfants.

Au 20e siècle, l’édifice est transformé en immeuble à logements, pour finalement être démoli en 1970.

Entre 2017 et 2019, l’Université Laval a tenu son chantier-école en archéologie historique sur ce site, en partenariat avec la Ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications. Concentré dans le stationnement municipal, entre les 2e et 3e Avenues; au sud de la 4e Rue, les fouilles ont notamment permis la découverte de fosses de latrines qui contenaient une quantité impressionnante d’objets du quotidien et de restes alimentaires.

Découvrez dans le carrousel photos quelques artéfacts qui témoignent de la vie quotidienne des familles Anderson (v. 1812‑1869) et Pitl (v. 1868‑1897).

La famille Anderson

Le statut socio-économique élevé de la famille Anderson se reflète assez clairement dans les objets qu’ils ont utilisés, puis rejetés dans les latrines. Les étudiants en archéologie ont notamment mis au jour un sceau de bouteille de vin « Château Lafite », des ensembles de services de table arborant des décors variés, de la verrerie de table, des pots de chambre décorés, et plusieurs autres objets de la vie quotidienne de cette famille influente de Québec.

Une des découvertes les plus évocatrices est celle d’un gobelet sur tige portant les lettres « MA » stylisées et entrelacées. Ce type de gobelet était en vogue entre environ 1790 et 1830. Les lettres pourraient représenter « Margaret » et « Anthony », pour Margaret Jeffreys Anderson et Anthony Anderson, et l'objet aurait pu leur être offert lors de leur mariage, le 11 août 1794. Ce verre serait demeuré dans la famille avant d’être rejeté dans la fosse de latrines à la suite du décès d’Horatio en 1867 et de la mise en location de la demeure.

La famille Pitl

La fosse de latrines contenait également de nombreux objets associés à la famille Pitl, locataire des lieux entre 1868 et 1897. On y trouve notamment de la vaisselle de table, des appareils d’éclairage, des chaussures en cuir, des pots de chambre, etc. La collection archéologique témoigne également de façon éloquente de la présence de jeunes enfants sur le site; on y a notamment découvert un biberon en verre, une théière jouet en porcelaine, une tête de poupée, et d’autres jouets.

Parmi tous les artéfacts retrouvés, une brosse à dents en os attire l’attention. A priori, cet objet d’hygiène personnelle peut sembler anodin. Toutefois, en nettoyant le manche au laboratoire, les lettres gravées « E. PITL » ont été découvertes. Selon toute vraisemblance, cet objet aurait appartenu à Emma Pitl, fille du couple Pitl et Lemelin.

Née en 1885, la petite Emma est malheureusement décédée en 1892, à l’âge de 7 ans. Cette brosse à dents a probablement été jetée dans les latrines après la mort de l’enfant, en même temps que ses jouets. Le décès de la jeune Emma Pitl est un douloureux rappel que la mortalité infantile faisait partie intégrante de la vie au 19e siècle, avant les avancées médicales importantes du 20e siècle.

Les fouilles archéologiques réalisées sur le site d’Hedley Lodge jettent un éclairage unique sur la vie au 19e siècle à Limoilou, à une époque où le secteur était en banlieue de Québec et avait une vocation essentiellement agricole. Les artéfacts recueillis donnent une voix à des personnes souvent moins visibles dans les écrits historiques : les femmes et les enfants.

À noter que le site d’Hedley Lodge fera l’objet de recherches archéologiques additionnelles en 2023, dans le cadre des travaux préparatoires liés au tramway de Québec.

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