Accueil / Citoyens / Patrimoine / Espace #PatrimoineVDQ / 2024 / Vanier, à la découverte d’un quartier populaire
Par Emmanuel Lamontagne, agent de recherche en patrimoine
Le quartier de Vanier couvre une superficie d’environ six kilomètres carrés. Son histoire est riche et intrinsèquement liée à celles des classes populaires. Elle se décline en trois grandes phases de développement : la période rurale, du 17e siècle à la fin du 19e siècle, la première phase d’urbanisation par les sociétés immobilières, de 1910 à 1940, et la seconde phase d’urbanisation, de 1945 à 1980.
Les terres correspondant aujourd’hui au quartier de Vanier sont exploitées et cultivées à partir du 17e siècle. Le secteur, qui englobe également le quartier actuel de Duberger, est connu sous le nom de Petite-Rivière. Il est intégré à la municipalité de la paroisse de Saint-Roch-de-Québec-Nord en 1862, puis à celle de Saint-Malo en 1893, avant de devenir une municipalité autonome en 1902.
Entre 1912 et 1914, sept sociétés immobilières achètent presque toutes les terres qui correspondent aujourd’hui au quartier de Vanier, notamment les entreprises Nor-Mount, Van Dyke, Fairview et Frontenac. Ces compagnies désirent développer, à des fins spéculatives, ce territoire encore peu peuplé. C’est pourquoi elles font pression sur le gouvernement provincial pour fonder une ville à part entière. Elles obtiennent gain de cause en 1916 et créent la municipalité de Québec-Ouest, marquant du même fait le début d'une croissance significative qui s'accélère vers la fin des années 1920.
Les premiers lotissements qui sont construits par les sociétés à Québec-Ouest se situent sur les avenues Plante et Turcotte entre le boulevard Wilfrid-Hamel et la rue Chabot actuelle. Certains de ces premiers bâtiments existent toujours, ils forment un ensemble d’une quinzaine d’immeubles de type duplex. On y retrouve notamment la maison de l’ancien conseiller municipal de Québec-Ouest Camille Plante. Il s’agit des immeubles les plus anciens du secteur de Vanier puisqu’aucun bâtiment témoignant de la période rurale ne subsiste de nos jours. Ce type d’édifice, le plex, se caractérise par des unités d’habitations multiples ayant des entrées indépendantes extérieures. Il compose la très grande majorité de la trame urbaine du secteur de Vanier. En effet, 77 % des bâtiments retenus à l’inventaire* dans le secteur sont de type plex. Le second style le plus populaire, la maison vernaculaire industrielle, ne compte que pour 17 % du corpus. Le choix du type plex par les promoteurs s’explique par une volonté de créer un secteur urbain, dense et selon une trame régulière en quadrillé à l’image du secteur du Vieux-Limoilou.
La crise économique de 1930 amène plusieurs familles d’ouvriers à s’installer dans le secteur. La municipalité se développe principalement grâce à cette population à revenu modeste, attirée par les terrains abordables et les loyers peu élevés. Entre 1928 et 1933, la population triple, passant de 600 à 2130 résidents.
L’augmentation rapide de la population entraîne la création de la paroisse catholique Notre-Dame-de-Recouvrance en 1929. Une première chapelle est construite dès 1930; elle occupe le site du presbytère actuel. Le soubassement de l’église paroissiale actuelle est construit en 1948. Les célébrations ont lieu pendant près de 18 ans dans le sous-sol puisque l’église, dont les problèmes financiers retardent la construction, ne sera complétée qu’en 1966.
L’accroissement de la population fait en sorte que le gouvernement du Canada fait ériger le premier Bureau de poste de Québec-Ouest en 1938.
La même année on inaugure la première usine de Québec-Ouest, l’Abattoir de la Coopérative Fédérée. Les promoteurs Maurice Lemelin et Paul Bardou investissent 125 000 $ pour la construction de l'usine. À titre comparatif, construire l'un des duplex caractéristiques du Vieux-Vanier coûte en moyenne, à la même époque, de 1 500 $ à 2 000 $. Il est indéniable que l'abattoir apporte des avantages économiques à la municipalité et aux citoyens. En revanche, il est également la cause d'importants problèmes sanitaires causés par l'absence de drainage adéquat et l’émanation d’odeurs persistantes.
Les premières décennies de l’existence de Québec-Ouest sont caractérisées par un manque de services publics, le surpeuplement, les problèmes d'hygiène et d’encombrement, la pauvreté persistante et la présence marquée de la prostitution. Tous ces facteurs rendent les conditions de vie difficiles. Par ailleurs, l'absence de réglementation municipale favorise l'utilisation de matériaux de construction de moindre qualité et un développement urbain peu encadré.
Peu après le second conflit mondial, la municipalité entame une renaissance urbaine. De nombreux efforts sont faits afin de résoudre les problèmes auxquels fait face Québec-Ouest. Des institutions de santé comme la Maternité Notre-Dame-de-Recouvrance, ouverte en 1947, et l’Hôpital Christ-Roi, qui remplace l’Hôpital de l’Immigration fermé en 1958, viennent soulager la population locale. Les rues sont drainées et asphaltées graduellement, l’avenue Bélanger a été la première à l’être en 1940, ce qui facilite le transport tout en améliorant la salubrité générale de la municipalité. Puis, la Ville se dote d’un plan d’urbanisme afin d’encadrer son développement. La municipalité structure son développement autour de l’avenue Bélanger, axe paroissial et scolaire, et de l’avenue Plante, axe commercial et résidentiel. En 1950, l’hôtel de ville, jadis situé au 83 de l’avenue Plante, déménage dans un bâtiment neuf situé face à l’église au 313 de l’avenue Bélanger. Ce déménagement démontre la volonté de créer un noyau paroissial et institutionnel à l’angle de l’avenue Bélanger et de la rue Beaucage.
À la fin des années 1950, un véritable parc industriel voit le jour dans l’ouest de la municipalité, le long du boulevard Pierre-Bertrand. Ce secteur industriel devient rapidement une importante source de revenus et d’emploi pour la municipalité.
Pour marquer symboliquement un nouveau départ et rompre avec son passé difficile et sa réputation peu enviable, Québec-Ouest adopte le nom de Ville de Vanier à l'occasion du jubilé d'or de la ville en 1966. Ce changement est un hommage au militaire et diplomate Georges-Philias Vanier (1888-1967), premier Canadien francophone à occuper le poste de gouverneur général du Canada de 1959 à 1967.
Les années 1960 se caractérisent également par le développement d’un nouveau secteur résidentiel au nord de la voie ferrée. La trame urbaine du secteur est fort différente de celles du Vieux-Vanier puisqu’elle se compose d’édifices à logements et de bungalows. Le développement du réseau autoroutier favorise la croissance économique de Vanier, puisque la municipalité se retrouve au carrefour de deux axes de transport important de l’agglomération de Québec : les autoroutes Laurentienne et de la Capitale (aujourd’hui Félix-Leclerc). En 2002, Vanier fusionne avec la Ville de Québec et l’arrondissement des Rivières est créé.
L’histoire de Québec-Ouest et de Vanier est un important témoignage de la résilience d’une population qui possède un fort sentiment d’appartenance. Malgré des débuts difficiles causés par un manque évident de planification de la part des sociétés immobilières, ainsi que par des moyens financiers limités, l’ancienne municipalité de Vanier a réussi à force de temps et au prix de multiples efforts, à développer un milieu de vie urbain, original et dynamique. Le quartier, encore méconnu, gagne à être découvert puisqu’il recèle une exceptionnelle concentration de maisons ouvrières dans l’un des milieux urbains les plus anciens de Québec.
*Ce texte s’inscrit dans le cadre des travaux du macro-inventaire du patrimoine bâti de 1940 et moins réalisé à l’échelle du territoire de la Ville de Québec. Le premier arrondissement inventorié est celui des Rivières, dont fait partie le secteur Vanier.
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