Une beauté naturelle au passé industriel
La chute Montmorency attire chaque année des milliers de visiteurs. Impressionnante par sa hauteur, son débit et son décor sculpté dans la pierre, elle figure parmi les plus beaux sites naturels du Québec. Ce qui en a fait d’ailleurs l’un des premiers lieux de villégiature et de tourisme au pays. Mais la chute cache une autre réalité… Un long passé industriel qui donna naissance au secteur de Montmorency.
Explorateurs, villégiateurs et touristes
Les premiers explorateurs français qui remontent le Saint-Laurent, dans les années 1540, remarquent cette « grosse rivière » qui en tombant « faict un grand bruit ». C’est toutefois le fondateur de Québec, Samuel de Champlain, qui baptise le « Sault de Montmorency » en 1603. Il rend hommage à Charles de Montmorency, amiral de France, lié aux explorations d’Amérique.
À la suite d’un voyage au Canada, effectué en 1749, le naturaliste suédois Pehr Kalm écrit que la chute est terrifiante et que son bruit s’entend parfois jusqu’à Québec. Comme celui des canons anglais, en 1759… Cette année-là, les troupes françaises et britanniques s’affrontent aux abords de la chute. La bataille de Montmorency est l’une des dernières victoires françaises avant la capitulation de la Nouvelle-France.
Le calme revenu, la beauté naturelle des lieux attire les citadins. En 1780, le gouverneur Frederick Haldimand se fait construire une villa au sommet de l’escarpement, à l’ouest de la chute. Il serait le premier villégiateur de la colonie, l’initiateur d’un phénomène qui se répandra surtout au 19e siècle. À cette époque, les touristes et les excursionnistes se font plus nombreux. Ils viennent déjeuner sur l’herbe ou, l’hiver, glisser au Pain de sucre, un cône de glace spectaculaire formé par la cristallisation de la vapeur d’eau. Une curiosité naturelle immortalisée sur toile par de nombreux artistes.
Place au bois
La chute Montmorency intéresse aussi pour sa puissance hydraulique. En 1811, on implante un moulin à scie à ses pieds. Sa production de bois équarri, de madriers et de pièces utiles à la construction navale est destinée au marché britannique. Au fil des agrandissements, les installations de Peter Patterson, seul propriétaire à compter de 1823, deviennent les plus imposantes d’Amérique du Nord. Réservoir d’emplois, l’entreprise incite plusieurs familles à s’établir au pied de la chute, au lieu-dit le « Bas-du-Sault ».
Au milieu du 19e siècle, le gendre de Peter Patterson, George Benson Hall, prend la direction des moulins. Visant désormais le marché de la Nouvelle-Angleterre, Hall produit de la planche, mais également des seaux, des allumettes, des bardeaux et des manches à balai. Ses moulins et ses ateliers fournissent du travail à plusieurs centaines d’ouvriers.
Et à la toile de coton
Au moment où décline l’entreprise de bois, Charles Ross Whitehead implante une filature de coton à l’est des scieries, pour bénéficier lui aussi de la puissance hydraulique de la chute. L’homme d’affaires fonde son entreprise en 1889, année de l’arrivée du chemin de fer dans le secteur. L’acheminement du coton brut vers l’usine et l’expédition de la toile finie ailleurs au Canada en seront facilités.
À la suite de fusions, l’entreprise devient en 1905 une filiale de la Dominion Textile. Elle fonctionne désormais à l’électricité produite localement. Des agrandissements en font l’un des plus grands centres de l’industrie cotonnière au Canada. En 1940, plus de 2 000 employés y fabriquent de la toile, des draps, de la ficelle ou des vadrouilles. Ils habitent pour la plupart l’ancien Bas-du-Sault, devenu le village de Montmorency.
Mais les beaux jours de l’industrie du coton sont comptés. La filature de Montmorency met graduellement à pied tous ses employés, puis ferme en 1986. Ses installations sont démolies peu après.
Un site patrimonial
L’industrie ne nuit pas à l’attrait des lieux. Au début du 20e siècle, l’ancienne villa Haldimand est transformée en hôtel de luxe, accessible depuis le pied de la chute par un funiculaire. Divers équipements s’ajoutent avec le temps, escalier panoramique, passerelles et autres. Car bon an, mal an, les visiteurs affluent. En 1967, le gouvernement du Québec aménage un parc du côté est de la rivière. Il acquiert plus tard le reste du secteur, dont l’ancienne villa, reconstruite en 1994 à la suite d’un incendie.
Aujourd’hui, la chute Montmorency est comprise dans un parc géré par la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ). L’importance historique et paysagère des lieux a été reconnue en 1994 par le Québec qui en a fait un site patrimonial.
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