Le centre de la vie communautaire
Jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, le village de Montmorency et la paroisse de Saint-Grégoire se confondent. Comme ailleurs au Québec, la vie communautaire gravite autour du sacré et du clergé. Mais plus qu’ailleurs, le curé est le maître incontesté de son domaine. Il initie, dirige et contrôle, y compris le loisir et la vie associative. À Montmorency, l’Église intervient même dans l’univers du travail.
Les initiatives du curé Ruel
En 1890, la mission de Saint-Grégoire devient desserte, ou quasi-paroisse, avec un curé résident, Jean-Baptiste Ruel. Dès son arrivée, ce bâtisseur délimite un cimetière, puis il réserve un terrain pour le presbytère et l’église. Cette dernière, inaugurée en 1898, est une œuvre de l’architecte Thomas Raymond. C’est le monument du village, qui est avant tout une paroisse.
Le curé Ruel fait aménager une salle communautaire dans l’ancienne chapelle située au bas de la côte à Courville, aujourd’hui de Saint-Grégoire. Puis, il fonde une nouvelle école derrière l’église, placée en 1904 sous la direction des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Vallier. Il prend part également à la fondation d’un collège de garçons, confié en 1918 aux Frères maristes. L’actif curé dirige aussi la première caisse populaire, ouverte en 1908. Elle comptera rapidement 700 sociétaires, plus du quart de la population de 2 700 habitants.
L’oisiveté, mère de tous les vices
La construction d’une vaste salle publique en 1917 est l’œuvre du second curé, Odilon Blanchet. Érigée devant l’église, elle sert aux loisirs, aux assemblées et aux associations paroissiales. On y trouve une salle de théâtre et, à la suite d’un agrandissement, des jeux intérieurs : billard, tennis de table ou barres parallèles. Le bâtiment, qui subsistera jusqu’aux années 1980, abrite aussi de nombreuses associations paroissiales, telles que le Cercle des jeunes gens ou la Société Saint-Jean-Baptiste.
Pour occuper les jeunes pendant les vacances, le curé Blanchet achète une propriété à l’ouest de la paroisse qui servira de terrain de jeux. Il en confie la direction aux Frères de Saint-Vincent-de-Paul. Saint-Grégoire a aussi sa fanfare, un orchestre et une équipe de hockey.
Catholicisme et monde du travail se conjuguent
Les liens entre la paroisse et son industrie unique sont étroits. Certaines organisations de Saint-Grégoire, comme la Jeunesse ouvrière catholique et la Ligue ouvrière catholique, veillent à la « moralisation » de la vie d’usine. Et le bulletin paroissial consacre des sections aux activités de la filature.
Mais le village se distingue surtout par la création d’un syndicat catholique. Un groupe d’ouvriers de la filature fonde en avril 1935 le Syndicat du textile de Montmorency. Une initiative chapeautée par un membre du clergé, Georges Côté, aumônier à la future CSN. En défendant les intérêts de ses membres, le syndicat favorise le développement d’un esprit communautaire. Il est aussi à l’origine de nouvelles institutions locales, dont un journal, une seconde caisse populaire – celle du curé Ruel ayant fermé – et une coopérative d’achat.
Le militantisme qui forge les liens
Déjà unie par des associations paroissiales fortes, un employeur unique, un mode de vie semblable, la population ouvrière de Montmorency tisse d’autres liens en tentant d’améliorer ses conditions de travail. Le militantisme s’insère au cœur de la vie paroissiale.
L’action syndicale catholique débouche sur plusieurs grèves et sur la nécessité de se serrer les coudes. Le 10 août 1937, notamment, 900 grévistes de la filature de Montmorency se rendent à pied au marché Saint-Pierre, dans le quartier de Saint-Sauveur. Au total, 4 000 personnes participent à cette manifestation où sont recueillis des fonds d’aide aux grévistes. Ces moments de solidarité et le partage d’objectifs communs renforcent le sentiment d’appartenance à la communauté.
Une vie communautaire toujours active
L’usine ferme dans les années 1980 et l’Église perd son rôle dominant. Mais le secteur de Montmorency compte toujours de nombreuses associations communautaires et le militantisme y a toujours sa place. Des groupes de citoyens ont travaillé fort, depuis les années 1980, pour transformer en coopératives d’habitation d’anciens bâtiments, dont le couvent et le collège. On s’est battu aussi pour conserver l’église, qui loge désormais une salle de spectacles et de réception, de même qu’un point de service de la Bibliothèque de Québec.
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