Le recul des berges du Saint-Laurent
Une importante barrière se dresse aujourd’hui entre le secteur de Montmorency et les battures du Saint-Laurent. Mais il fut un temps où les habitants du village ne faisaient qu’un avec le fleuve. Puis, on a construit un chemin de fer, un boulevard, une autoroute… Des voies de communication qui ont fait reculer les berges et transformé le paysage, parfois de façon radicale.
En harmonie avec le fleuve
À la fin du 19e siècle, les résidents du Bas-du-Sault entretiennent des liens étroits avec le fleuve. On y compte des pêcheurs de métier et, en 1891, une douzaine de bateliers ou navigateurs. Plusieurs chassent sur les battures et on traverse régulièrement à l’île d’Orléans. Cette expédition s’effectue presque toute l’année en barque ou en canot. L’hiver, la formation d’un pont de glace facilite les échanges.
Les métiers liés au fleuve persistent dans les premières décennies du 20e siècle. Quelques familles vivent de la coupe de la glace sur le fleuve. D’autres capturent l’anguille dans leurs filets ou transportent des passagers d’une rive à l’autre. Mais pour la majorité des habitants, ouvriers à la filature, le Saint-Laurent sert surtout à arrondir les fins de mois. On y pêche l’éperlan depuis les quais qui gagnent sur l’eau. L’hiver, on appâte les « petits poissons des chenaux », après avoir percé des trous dans la glace du fleuve.
Le petit train de la bonne Sainte-Anne
Le chemin de fer de « la bonne Sainte-Anne » est construit en bordure des battures, en 1889. Cette année-là, on inaugure 32 kilomètres de voies ferrées entre Hedleyville (Limoilou) et Sainte-Anne-de-Beaupré. La ligne sera prolongée plus tard dans Charlevoix. Le train transporte des milliers de pèlerins et de voyageurs annuellement. Mais il sert aussi à la filature pour l’acheminement du coton brut et de la toile finie.
Le chemin de fer s’intègre facilement au paysage. À compter de 1900, son service voyageur passe à l’électricité produite localement. Il ressemble désormais à un train de banlieue avec de multiples arrêts rapprochés, dont plusieurs à Montmorency.
Du changement dans le paysage
D’importants changements surviennent avec la construction du pont de l’Île-d’Orléans. Les insulaires rêvent depuis longtemps d’un lien avec la terre ferme. Le projet se concrétise grâce au député de Montmorency et premier ministre du Québec, Louis-Alexandre Taschereau. La grande structure d’acier, désormais indissociable du panorama, est inaugurée en 1935, après quatre ans de travaux. La porte d’entrée est Montmorency, où l’on construit un viaduc d’approche en ciment et en acier.
Une fois le pont érigé, on amorce la construction du boulevard Sainte-Anne dans les années 1940. La voie rapide, qui entrave l’accès direct au Saint-Laurent, se borde de commerces, de garages et de stations d’essence. Car l’auto, le bus et le camion sont maintenant plus populaires que le train.
Les grands projets des années 1970
La vraie cassure survient avec l’autoroute Dufferin-Montmorency, au début des années 1970. Elle est construite loin sur les battures, de même que les deux échangeurs qui la relient au pont de l’Île-d’Orléans et à l’autoroute 40 (Félix-Leclerc). Un tronçon de cette dernière passe à l’ouest de la municipalité, au niveau de la 121e Rue. C’est une véritable tranchée dans l’agglomération, qui entraîne l’expropriation de 200 personnes et la destruction de 27 maisons.
La présence de l’autoroute Dufferin-Montmorency coupe le lien au fleuve et les pratiques riveraines des habitants. Elle provoque aussi le déclin du boulevard Sainte-Anne, alors principale artère commerciale de Montmorency.
Redessiner les contours
Depuis, on a aménagé le corridor du Littoral en bordure de l’autoroute Dufferin-Montmorency. Cette piste multifonctionnelle est destinée aux marcheurs, aux cyclistes et aux adeptes du patin à roues alignées. On s’intéresse par ailleurs à la préservation de l’étang de la Côte, un milieu naturel formé à même les anciennes battures enclavées. Baigné par les marées, cet étang demeure l’habitat de plusieurs espèces et une halte saisonnière pour l’Oie blanche et la Bernache du Canada. Il ne reste qu’à en faciliter l’accès…
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