Accueil / Citoyens / Patrimoine / Découvrir les quartiers de Québec / Saint-Jean-Baptiste / Points d'intérêt / Îlot Bon-Pasteur
De 1850 à 1975, les Sœurs du Bon-Pasteur ont développé dans ces bâtiments un vaste complexe multifonctionnel pour venir en aide aux femmes et aux enfants démunis. Après leur départ, un groupe de citoyens s’est opposé à la volonté gouvernementale de les démolir pour construire à leur place un édifice à bureaux. En préservant et reconvertissant les bâtiments originaux en coopératives d’habitation, la mission d’entraide a été maintenue.
Au début du 19e siècle, le commerce du bois et la construction navale attirent à Québec des milliers d’ouvriers et de marins qui fréquentent de nombreuses maisons closes. Bien des femmes pauvres, immigrantes ou venues des campagnes, s’y prostituent. Même si cette activité est tolérée, elles font parfois de brefs séjours en prison, notamment pour vagabondage, puis elles retournent à leur pénible condition.
L’avocat George Manley Muir propose à la Société Saint-Vincent-de-Paul de venir en aide à ces femmes en finançant un refuge où elles pourraient être soutenues et éduquées. Ils recrutent une veuve pieuse, Marie Fitzback, pour mettre sur pied ce projet. Elle s’établit d’abord rue Richelieu, puis, avec huit collaboratrices et vingt prostituées « pénitentes », elle emménage dans le faubourg Saint-Louis pour s’y fixer de façon permanente.
Marie Fitzback, une organisatrice hors pair, agrandit le refuge de la rue De La Chevrotière, qui accueille désormais des enfants pauvres. En 1855, il prend le nom d’Asile Bon-Pasteur. L’année suivante, l’Église reconnaît la nouvelle congrégation des Servantes du Cœur Immaculé de Marie, dites Sœurs du Bon-Pasteur, qui apprennent un métier aux femmes et enseignent aux fillettes pauvres, tant anglophones que francophones. En plus des matières de base, les arts font partie de la formation. Les œuvres réalisées à l’atelier de peinture par les religieuses sont remarquées et se retrouvent bientôt dans plusieurs églises du Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et des États-Unis. Une imprimerie s’ajoute à l’atelier de reliure en 1874. Les travaux d’aiguille font également la réputation des Sœurs du Bon-Pasteur, qui chaque année livrent au clergé près de 400 soutanes et manteaux, en plus d’offrir à la population un service de reprisage invisible.
Ces diverses activités procurent d’importants revenus à la communauté, qui peut ainsi poursuivre sa mission d’entraide gratuite auprès des femmes et des enfants démunis pendant plusieurs décennies. Grâce au soutien de la population, la congrégation peut aussi construire plusieurs autres édifices.
En 1975, la situation a bien changé. L’État se charge dorénavant de l’éducation et des services sociaux. Les vocations religieuses se font rares. Aussi, à la demande du gouvernement, les Sœurs du Bon-Pasteur quittent leurs vastes bâtiments désormais sous-utilisés afin de laisser place à un nouvel immeuble à bureaux. Mais un groupe de citoyens ne l’entend pas ainsi.
Depuis 15 ans, le quartier Saint-Jean-Baptiste a perdu la moitié de ses résidents, chassés par la construction d’immeubles à bureaux, d’un large boulevard et d’une autoroute. Ce groupe de citoyens est convaincu que le complexe des Sœurs du Bon-Pasteur peut être avantageusement reconverti en logements, plutôt que rasé et remplacé par des bureaux. La résistance s’organise. Le jour, la présence d’une garderie dans l’immeuble garantit qu’il ne sera pas démoli. Le soir et la nuit, des adultes y viennent en vigile; ils mangent et dorment sur place, tout en discutant de projets alternatifs.
En 1976, le gouvernement provincial nouvellement élu écarte le projet de démolition. La Corporation d’aménagement du couvent Bon-Pasteur orchestre alors le recyclage des bâtiments en 7 coopératives d’habitation totalisant 240 logements destinés à des clientèles variées. Une garderie, une épicerie, des bureaux et un studio d’enregistrement complètent la réaffectation des lieux.
Il s’agit presque d’un miracle… après celui que racontent les Sœurs du Bon-Pasteur. Leurs annales rapportent en effet que leurs bâtiments ont été épargnés par l’incendie dévastateur de 1876 grâce à l’initiative de sœur Mary Mullen, qui, en plaquant une image de Notre-Dame de la Pureté devant le brasier, l’a subitement fait changer de direction. Tout le faubourg Saint-Louis a été réduit en cendres, sauf leurs bâtiments et la chapelle construite en 1866-1868, aujourd’hui classée monument historique.
La modernisation du centre-ville de Québec a engendré son lot de résistances. Michel Perron, impliqué dans la vie communautaire du quartier Saint-Jean-Baptiste dans les années 1970, témoigne de l’occupation de l’Îlot Bon-Pasteur à laquelle il a participé pour sauver ces immeubles de la démolition.
Plaque commémorative
Partagez cette page :