Un patrimoine ouvrier
Dans les années 1870, la fabrication industrielle de chaussures remplace la construction navale comme principal moteur économique de la ville de Québec, qui devient la capitale canadienne du cuir. Les manufactures sont toutes concentrées dans ce secteur du quartier Saint-Roch, près des tanneries. Elles emploient plusieurs milliers de personnes qui habitent pour la plupart le quartier. Mais la vie est loin d’être facile pour ces ouvriers sous-payés.
Une transformation majeure de l’économie
En 1866, la construction navale atteint un sommet historique à Québec. C’est cependant son chant du cygne, car, 15 ans plus tard, elle aura presque disparu. Un nouveau secteur prend la relève au même moment, celui de la production manufacturière de chaussures. En 1871, l’introduction des machines à vapeur propulse ce secteur au premier rang des activités économiques de Québec pour plus de 60 ans.
Les manufactures poussent comme des champignons
Les machines-outils actionnées à la vapeur multiplient par 100 la capacité de production des cordonniers artisans, qui sont rapidement marginalisés. À Québec, Guillaume Bresse, un entrepreneur qui a fait son apprentissage aux États-Unis, est le premier à équiper sa manufacture de machines à vapeur. En 1871, ses 200 ouvriers fabriquent 1000 paires de chaussures par jour. La grave crise économique qui se déclare deux ans plus tard ne fera qu’accentuer la tendance à la mécanisation.
En 1879, afin de protéger et de stimuler l’économie canadienne en cours d’industrialisation, le premier ministre du Canada instaure une politique tarifaire. Aussitôt, les manufactures de chaussures poussent comme des champignons dans le quartier Saint-Roch. Québec s’impose comme le centre de l’industrie du cuir au Canada. Bon an, mal an, jusqu’au début du 20e siècle, ce secteur représentera 25 % de tous les emplois de la ville.
La classe ouvrière
Pour autant, le sort des ouvriers de la chaussure n’est guère enviable. Comme partout, l’industrialisation bouleverse les modes de vie. Des ouvriers-machinistes sans formation remplacent les artisans spécialisés. En réaction à la mécanisation et à la crise des années 1870 qui font baisser les salaires, les ouvriers se soulèvent en 1878. Des milliers de grévistes poussés par la faim défient l’armée. « Du pain ou du sang ! » crient certains émeutiers. De telles tensions vont perdurer longtemps dans l’industrie de la chaussure.
Les ouvriers demeurent en général près de leur lieu de travail, à côté des dizaines de manufactures regroupées dans l’étroit secteur de la ville où vous vous trouvez, entre les rues Arago, De Saint-Vallier et Langelier. En été, les fumées de ces usines au charbon rendent l’air presque irrespirable.
Ils travaillent dix heures par jour, six jours par semaine, parfois davantage. Les mesures de sécurité sont absentes. À Québec, on compte un accident de travail mortel par mois. Rares sont les ouvriers qui savent lire ou écrire, car toute la famille doit travailler pour joindre les deux bouts. Les femmes forment environ 30 % de la main-d’œuvre et les enfants de 10 à 14 ans, 5 %. Habituellement, les manufactures fonctionnent à plein régime sept mois par année, laissant les ouvriers en chômage pendant les cinq autres mois, le temps d’écouler l’excédent de production.
Apogée et déclin de l’industrie de la chaussure
À Québec, la production manufacturière atteint son apogée en 1901. Elle repose principalement sur les 225 manufactures de chaussures alors en activité, qui procurent de l’emploi à 10 000 personnes. Une large part de leur production est destinée à l’exportation.
Au cours des 30 années suivantes, la conjonction de plusieurs facteurs affaiblira constamment la position concurrentielle de Québec au sein de l’industrie nord-américaine de la chaussure. Malgré tout, ce secteur sera encore la principale source d’emplois à Québec en 1931, avec 3000 postes. Aujourd’hui, il ne se fabrique plus de chaussures au centre-ville de Québec.
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La fabrication, la vente et la réparation de chaussures ont longtemps dominé l'économie de Saint-Roch. Jean-Paul Giroux, à plus de 80 ans, était l'un des derniers cordonniers du quartier. Il nous parle d'une époque révolue.
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916, rue De Saint-Vallier Est (La Cité-Limoilou)
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