Le lieu d’un savoir-faire en constant renouvellement
Le tannage du cuir est un savoir-faire très répandu en Nouvelle-France. Sur les fermes familiales, les peaux des animaux d’élevage sont souvent traitées sur place. De petites entreprises spécialisées se multiplient néanmoins à la campagne et à la ville.
À Québec, quelques tanneries s’établissent ici, dans le secteur des rues De Saint-Vallier et Arago, où l’eau nécessaire aux opérations de tannage coule en abondance de la falaise. De plus, l’endroit est suffisamment éloigné du cœur urbain pour que les fortes odeurs que dégage cette activité n’incommodent pas la population.
Les tanneries du faubourg Saint-Vallier
Au tournant du 19e siècle, les tanneries plus nombreuses forment le faubourg Saint-Vallier avec les maisons de leurs propriétaires et de leurs employés. La plupart de ces tanneries sont de petites entreprises familiales n’employant que trois ou quatre personnes. Elles fournissent le cuir nécessaire à la fabrication des chaussures et des attelages de chevaux, indispensables aux transports terrestres, tous hippomobiles.
La grande époque de la chaussure
L’industrie de la chaussure s’implante dans le faubourg Saint-Roch au tournant des années 1870. La production explose grâce à l’usage des machines à vapeur. L’industrie emploie 4000 personnes en 1901, qui fabriquent des millions de paires de chaussures chaque année. Il faut beaucoup de cuir pour répondre à la demande.
De 1850 à 1872, les tanneries passent d’une trentaine à 43, et davantage par la suite. Certaines prennent beaucoup d’expansion mais, curieusement, plusieurs demeurent petites et artisanales. Les procédés de fabrication évolueront lentement. Le tanin traditionnel, par exemple, préparé à partir de 360 kilogrammes d’écorce de pruche pour transformer la peau en cuir, sera utilisé plus longtemps à Québec qu’ailleurs sur le continent. Un procédé à base de chrome, de quatre à huit fois plus rapide, apparaît aux États-Unis en 1880 et se répand rapidement. À Québec, il ne sera adopté qu’en 1908 par les tanneries de Nazaire Fortier et de la famille Borne. Cette plus faible productivité obligera les manufactures de Québec à s’approvisionner partiellement en cuir à l’extérieur de la région.
De dures conditions de travail
Le travail est dur dans les tanneries. On y trouve rarement femmes ou enfants, qui forment pourtant un tiers de la main-d’œuvre dans les manufactures de chaussures. C’est que la manipulation des lourdes peaux imbibées d’eau est épuisante. Dans les tanneries, l'odeur dégagée par la décomposition des matières organiques est si forte que des ouvriers pris de nausées vomissent parfois sur place. D’autres sont incapables de manger à leur retour à la maison. Les risques d’infection sont élevés et, lors de l’étape du finissage des peaux, l’abondante poussière de cuir est néfaste pour les voies respiratoires.
La fin d’une époque
Les tanneries quittent progressivement le cœur du quartier Saint-Roch, très peuplé, à la fin du 19e siècle. Plusieurs déménagent dans le secteur de la Pointe-aux-Lièvres, sur les rives de la rivière Saint-Charles, où elles profitent d’un accès facile à l’eau. D’autres s’implantent encore plus loin des zones habitées. La dernière tannerie de l’ancien faubourg Saint-Vallier, celle de Nazaire Fortier, ferme ses portes au début des années 1990.
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Vidéo
Laval Voisine a travaillé dans la tannerie industrielle Nazaire-Fortier, une institution dans le quartier. Il a ensuite repris l'entreprise à son compte. Rencontré juste avant la démolition du bâtiment, il livre un témoignage sur cette pratique qui fait maintenant partie de l'histoire de Saint-Roch.
Témoignage
Maurice Marcotte: une vie de tanneur
Maurice Marcotte est l'un des derniers témoins vivants de l'âge d'or des tanneries du quartier Saint-Roch, une industrie qui a longtemps procuré nombre d'emplois à ses résidents.
Images anciennes