Un lieu chargé d’histoire
Le paysage a beaucoup changé au pied de la côte Gilmour. Il y a 150 ans, une succession de maisons ouvrières s’adossaient à la falaise et de grands voiliers de bois étaient construits en bordure du fleuve. L’industrie et le commerce prospéraient dans l’anse, qui portait alors le nom de Wolfe pour rappeler les faits d’armes d’un certain général anglais.
Le moulin du frère Hubert
Au début du 18e siècle, ce secteur de la banlieue, qui fait partie de la terre de Saint-Denys, devient la propriété du Séminaire de Québec. Dès 1710, les religieux y exploitent un foulon alimenté par le ruisseau Saint-Denis. Ce moulin à fouler la laine aurait été construit à l’initiative du frère Hubert, responsable de la lingerie du Séminaire.
Les ouvriers spécialisés dans ce travail, les foulons, fabriquent aussi de l’étoffe. Car le moulin est doublé d’une petite manufacture où l’on tisse et teint de la toile du pays. Le foulon est désaffecté après la mort du frère Hubert en 1734, mais le chemin de grève qui y conduit en conserve le nom, de même que l’anse où il est situé.
Le sentier de la guerre
Durant l’été 1759, Québec subit les bombardements incessants de l’armée britannique. La capitale de la Nouvelle-France résiste toutefois à l’ennemi. En septembre, le général anglais James Wolfe est prêt à tenter une ultime attaque.
Depuis la rive sud, Wolfe repère un poste de garde au sommet d’un sentier étroit, à l’origine de la côte Gilmour. Il demande à ses troupes de débarquer à proximité et d’escalader la falaise. L’opération, qui se déroule dans la nuit du 12 au 13 septembre, est un succès : les soldats britanniques se déploient sur le plateau et remportent la bataille des Plaines d’Abraham, scellant ainsi le destin de la Nouvelle-France.
L’arrivée des Gilmour
L’anse au Foulon devient alors la Wolfe Cove. Elle ne retrouvera son nom d’origine qu’au tournant des années 1970. Dès le début du 19e siècle, des installations liées au commerce du bois avec la Grande-Bretagne y sont aménagées. Les frères Campbell gèrent d’abord les lieux, mais ce sont les frères Gilmour qui en feront un chantier d’exception.
Les Gilmour prennent la direction de l’anse à compter de 1831, d’abord à titre de locataires, puis de propriétaires. À peine quatre ans plus tard, la compagnie de 150 employés y exploite le plus gros chantier de la région. Elle se charge de la coupe du bois en amont, du transport des billes par radeaux ainsi que de leur réception et de leur entreposage dans la Wolfe Cove, où elle dirige une armée d’ouvriers.
L’anse se développe
Des quais, des estacades, des bureaux, des écuries et des hangars sont construits dans l’anse, de même que le plus important moulin à scie à vapeur de Sillery. Les Gilmour dirigent également un chantier naval « de première classe ». Vers 1854, jusqu’à 1000 ouvriers y travaillent sur quatre navires à la fois.
Ces ouvriers s’établissent au nord du chemin du Foulon, dans de modestes maisons de bois accolées les unes aux autres. Ces habitations sont fragiles aux incendies, comme en 1870, lorsque 70 maisons de l’anse disparaissent sous les flammes. John Roche est alors propriétaire du chantier, qui revient au seul commerce du bois, avant de fermer comme les autres chantiers de Sillery.
Industrie et loisir font bon ménage
L’activité des chantiers entraîne le remblayage des berges. Le mouvement se poursuit au 20e siècle avec la construction d’une voie ferrée et de la nouvelle zone portuaire de la ville. Dès 1925, en effet, de grands quais sont construits dans l’anse pour accueillir les navires à fort tirant d’eau. Un peu plus tard, des réservoirs d’hydrocarbure y sont également érigés.
À côté de la vie industrielle, le loisir trouve sa place. En 1927, le Yacht-Club de Québec s’établit à l’ouest de l’anse. Une grande plage de sable fin, provenant des travaux de dragage de la nouvelle zone portuaire, est aménagée tout près. La plage du Foulon demeure populaire jusqu’aux années 1960 alors que la pollution et la construction du boulevard Champlain mettent fin aux activités de baignade. Les dernières maisons de l’anse sont également démolies.
Aujourd’hui, le secteur, libéré de ses réservoirs d’hydrocarbure, affirme plus que jamais sa vocation récréative. Un sentier tracé dans la falaise en 2006 permet aux piétons et aux cyclistes d’accéder aux plaines d’Abraham. Du pied de la côte Gilmour, on peut aussi rejoindre le corridor du Littoral et la promenade Samuel-De Champlain.
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François Lemelin a passé sa vie sur le fleuve. Passionné de bateaux et de navigation, il perpétue aujourd’hui, été comme hiver, la tradition des chantiers navals qui a été si importante dans les anses de Sillery.
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