Un art inscrit dans la durée
En saison estivale, le quartier de Sillery foisonne de fleurs, de jardins et d’aménagements paysagers souvent remarquables. On en retrouve autour des maisons, sur les terrasses et les balcons, en bordure des rues, le long de la promenade Samuel-De Champlain, dans les parcs publics, dans les grandes propriétés et même dans les cimetières. À Sillery, l’horticulture est un art véritable qui relève d’une longue tradition.
Potagers nourriciers
Dès le début du 17e siècle, avant même de semer du blé, les défricheurs aménagent un potager pour nourrir leur famille. Les premiers colons qui occupent le plateau et les Jésuites de la mission Saint-Joseph se prêtent à l’exercice. Car il y va de leur subsistance.
Dans ces premiers jardins, on plante généralement des carottes, des raves, des poireaux et des choux. On sème des laitues, des pois, des fèves et des plantes médicinales. Les Jésuites font pousser du houblon pour fabriquer de la bière et ils entretiennent un verger. Les plus grands jardins de Sillery vers 1685 sont toutefois ceux du Séminaire de Québec. Situés dans l’anse Saint-Michel, ils épousent les formes géométriques des jardins à la française.
Le pittoresque
Au début du 19e siècle, l’élite coloniale britannique aménage de grands domaines en bordure de la Grande Allée et de l’actuel chemin Saint-Louis. C’est à ce moment que l’art du jardin ornemental se développe. Il se rattache d’abord à la tradition classique, comme à Woodfield, où les jardins qui bordent la villa vers 1805 sont dessinés à la française.
Mais l’influence britannique se fait bientôt sentir, notamment dans l’esthétique pittoresque née de l’engouement anglais pour les paysages naturels. Le jardin devient irrégulier, dans une nature à peine retouchée. On fait appel aux sens plutôt qu’à la raison.
Une véritable passion
Les propriétaires des grands domaines sont à l’origine de la transformation du paysage. Dès l’achat de Woodfield en 1816, William Sheppard y conçoit des aménagements aux influences pittoresques, incluant des serres pour la culture de la vigne. Il est passionné d’horticulture et de sciences naturelles, comme son épouse, Harriet, qui contribuera aux connaissances dans ce domaine. À Spencer Wood, dans les années 1830, Henry Atkinson entoure sa villa luxueuse de magnifiques aménagements, de jardins et de serres. D’autres propriétaires, comme William Rhodes, à Benmore, ou Richard Reid Dobell, à Beauvoir, se passionnent aussi pour l’horticulture.
Cette riche bourgeoisie doit beaucoup à ses jardiniers, surtout à Peter Lowe, venu d’Écosse en 1846. Adepte d’horticulture scientifique, il réussit à faire pousser des ananas, des bananes et des orchidées rares dans les serres de Spencer Wood. Il crée aussi de très beaux jardins à Spencer Grange, à Bagatelle et à Cataraqui. John Paxton, l’un des jardiniers paysagistes les plus érudits de l’époque, conseille madame Gibb de Woodfield. D’autres propriétaires sont guidés par l’ingénieur David Bates Douglass, concepteur du cimetière-jardin de Mount Hermon, aménagé également dans l’esprit pittoresque.
Domaines fleuris
Au cours du 19e siècle, Sillery se couvre de parcs-jardins pittoresques, où les villas, au bout de longues allées ombragées, se fondent au paysage. On découvre dans ces domaines des jardins de fleurs, des sentiers sinueux, des haltes rustiques, des plans d’eau, des belvédères. Plusieurs ont de grandes serres chauffées où poussent des fruits exotiques primés dans les foires agricoles.
En une version plus modeste, des cottages pittoresques apparaissent aussi : Thornhill, Kirk Ella ou encore Bagatelle et la maison Hamel-Bruneau, qui subsistent aujourd’hui. Généralement conçues pour la villégiature, ces habitations sont entourées de longues galeries qui permettent un contact direct avec les jardins, les roseraies ou les boisés de ces propriétés.
Jardins nouveaux et restaurés
Au 20e siècle, plusieurs grands parcs-jardins de Sillery se transforment avec l’arrivée de nouveaux propriétaires, dont plusieurs communautés religieuses. À Cataraqui, Catherine Rhodes et Percyval Tudor-Hart réaménagent une partie de leur domaine dans les années 1930. Catherine y crée notamment, avec son amie Mary Stuart, les premières rocailles de la région.
Des domaines disparaissent dans l’après-guerre au profit de quartiers résidentiels, dont celui de Sillery Garden, au nom évocateur. Parmi ceux qui subsistent, de grands jardins sont abandonnés ou négligés, puis finalement restaurés. Comme ceux de Bagatelle, de Cataraqui et du Bois-de-Coulonge, tous trois désormais ouverts au public.
Aujourd’hui, le quartier de Sillery est plutôt bien pourvu en aménagements paysagers. En plus des jardins historiques, on y trouve un grand jardin communautaire sur l’avenue du Joli-Bourg et les audacieux quais-jardins de la promenade Samuel-De Champlain. Puis il y a de nombreux jardins privés, disséminés sur le territoire. Car le jardinage incarne un art de vivre auquel les Sillerois semblent profondément attachés.
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