Trois générations de photographes
Cet édifice en pierre à la façade arrondie, situé à l’angle des rues Saint-Jean et Couillard, abritait la principale entreprise de photographie à Québec, celle des Livernois. L’immense lucarne du toit procurait une lumière idéale pour les portraits de studio qu’ils réalisaient. Plusieurs autres types d’images comptent parmi les quelque 300 000 photographies qu’ils ont léguées en un fonds patrimonial d’une richesse incroyable.
Photographe et entrepreneur
Jules-Isaïe Benoît dit Livernois fonde son premier studio de photographie à Québec en 1854. Cette technologie encore balbutiante a été inventée 15 ans plus tôt, mais elle connaît déjà un vif succès auprès de la population de Québec. Livernois travaille principalement comme portraitiste. Sa clientèle apprécie en particulier les petits portraits sur papier en format « cartes de visite » que l’on s’échange entre amis et en famille.
L’entreprise est si profitable que Livernois ouvre bientôt deux autres studios. Parallèlement à sa production de portraits, il commence à photographier des monuments, des œuvres d’art et des artéfacts historiques dans un but d’éducation populaire et de conservation du patrimoine canadien-français. Il met ces images en vente dans ses trois studios.
Madame la photographe
En 1865, Jules-Isaïe Livernois décède prématurément à l’âge de 34 ans. Sa veuve Élise L’Hérault dit L’Heureux prend la relève. Depuis l’ouverture du premier studio, elle est un membre à part entière de l’entreprise, manie l’appareil photographique et développe des épreuves en chambre noire. Elle a beaucoup d’expérience.
Elle s’associe bientôt à son gendre, le photographe Louis Bienvenu, et le studio Livernois & Bienvenu ajoute à ses activités des prises de vues d’attraits touristiques de Québec et des régions avoisinantes. Les touristes peuvent dès lors se procurer des souvenirs de leur séjour dans la région de Charlevoix, ou de leur expédition aux chutes Sainte-Anne, situées à une cinquantaine de kilomètres de Québec.
Une touche artistique très appréciée
Le fils d’Élise et de Jules-Isaïe, Jules-Ernest Livernois, prend la direction de l’entreprise familiale en 1873. Il concentre les activités en un seul endroit, rue Saint-Jean, et installe son studio et sa résidence dans ce vaste édifice particulièrement bien adapté à la photographie en 1889. La large lucarne sur le toit, orientée plein sud, procure le vif éclairage nécessaire à l’exposition optimale des plaques et des papiers photographiques, à l’époque où de puissantes lumières artificielles ne sont pas encore disponibles.
Jules-Ernest Livernois devient le photographe le plus en vue de Québec. La touche artistique qu’il insuffle à ses clichés de paysages lui vaut plusieurs commandes, notamment du ministère des Travaux publics du Québec et des compagnies ferroviaires. Il documente la construction du parlement, l’inauguration de la terrasse Dufferin et l’ouverture de plusieurs nouvelles voies de chemin de fer. Ses paysages de la région du Lac-Saint-Jean, entre autres, serviront à mousser la colonisation de cette région; ses photographies des grands hôtels de villégiature seront utilisées à des fins publicitaires.
La fin d’une grande aventure
Jules Livernois prend la relève de son père, Jules-Ernest, en 1898. En plus du studio, il s’occupe de la pharmacie établie par Jules-Ernest au rez-de-chaussée de l’immeuble. Sous la direction de Jules Livernois, l’entreprise continue à dominer le marché de la photographie à Québec. Il reçoit des commandes majeures, dont la couverture des fêtes du tricentenaire de la ville en 1908. Mais à son décès, en 1952, les belles années des Livernois sont derrière eux, même si le studio est toujours en affaires. L’entreprise plus que centenaire fermera ses portes en 1974, victime de la démocratisation de la photographie.
Un fonds photographique inépuisable
Aujourd’hui, le monumental fonds d’archives constitué au fil des décennies par les trois générations de Livernois est conservé par Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Il permet de remonter le temps, d’assister à la transformation de la ville de Québec et des régions limitrophes, et de découvrir d’étonnantes réalités historiques.
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Devant l’édifice où ils ont longtemps tenu leur studio, le monument honore trois générations de Livernois qui, entre 1854 et 1952, ont produit des centaines de milliers de clichés photographiques. Leur travail constitue une source documentaire majeure pour l’histoire de la ville de Québec.
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