Femme d’affaires
Cette belle maison de pierre reflète les talents de femme d’affaires de Marie-Anne Barbel, qui l’a fait construire en 1755. Elle tenait boutique sur la place Royale au temps de la Nouvelle-France et possédait plusieurs autres maisons, terrains et entreprises dans la région de Québec. Cette entrepreneure dynamique illustre le rôle de premier plan que les femmes jouent depuis longtemps dans la société québécoise.
Une veuve se lance en affaires
Marie-Anne Barbel fait partie des cas bien documentés démontrant qu’une femme peut réussir en affaires et gagner le respect de ses pairs à l’époque de la Nouvelle-France, même si la loi plaçait toujours les femmes sous la tutelle de leur père ou de leur mari.
Marie-Anne Barbel naît en 1704 dans un milieu bourgeois. Elle se marie à 19 ans au marchand et fils de marchand Louis Fornel. Quatorze enfants naîtront de leur union, dont seulement cinq atteindront l’âge adulte. Au décès de son mari, en 1745, elle hérite d’un commerce de détail sur la place Royale et de parts dans des entreprises de pêche et de traite de fourrures. Marie-Anne décide de poursuivre à son compte l’ensemble de ces activités. Elle le peut car le statut de veuve lui procure tous les droits et pouvoirs légaux que détiennent normalement les hommes.
Marie-Anne maintient l’association de son mari dans une entreprise de pêche. Elle accroît ses activités de traite de fourrures en obtenant un bail d’exploitation de six ans du Domaine du roi de Tadoussac, avec deux autres commerçants, une grosse affaire comprenant plusieurs postes de traite dans les régions du Saguenay et de la Côte-Nord. Elle innove aussi en mettant sur pied une fabrique de poterie, qui toutefois ne fera pas ses frais. En parallèle, elle consolide prudemment ses avoirs en achetant des maisons et des terres agricoles dans la région de Québec.
Au milieu des années 1750, elle est devenue une femme d’affaires reconnue et respectée, bien intégrée à son milieu, qui jouit de la confiance du plus haut administrateur de la colonie : l’intendant.
Marie-Anne tombe et se relève
La guerre menant à la conquête britannique de la Nouvelle-France porte un dur coup aux affaires de Marie-Anne Barbel. Plusieurs des maisons qu’elle possède à Québec sont bombardées (entre autres, celle que vous avez sous les yeux). La pêche et la traite de fourrures sont fortement perturbées. De plus, la pratique généralisée des achats à crédit pendant la guerre pénalise les marchands qui ne seront remboursés qu’en petite partie.
Malgré tout, la veuve Fornel, comme on l’appelle à l’époque, se montre avisée et patiente. Elle se retire progressivement des affaires après la Conquête et réussit à rembourser toutes ses dettes. En 1777, elle rompt finalement son contrat de mariage afin de léguer un héritage d’une valeur de quelques dizaines de milliers dollars actuels à chacun de ses cinq enfants.
Elle s’éteint en 1793 à 89 ans, un âge fort respectable à l’époque.
Nécessité, mère de l’émancipation
L’histoire de Marie-Anne Barbel n’est pas unique. En Nouvelle-France, les femmes prennent une place importante dans la famille et la société, même si la loi ne leur confère qu’un statut de mineure sous la tutelle du père ou du mari. Elles sont chefs de famille lorsque l’époux s’absente pour plusieurs mois en voyage de traite, ou pour faire la guerre, ou lorsqu’il s’embarque comme marin ou pêcheur. La contribution des femmes à l’économie domestique est toujours considérable. Elles sont même plusieurs centaines à disposer d’une procuration qui leur donne le pouvoir légal d’agir à la place de leur mari.
La voie est tracée
Aujourd’hui, l’égalité des sexes est une composante centrale de la société et de l’identité québécoises. Elle fait l’unanimité. Bien que les obstacles aient été nombreux sur la voie de l’émancipation des femmes, il n’est pas exagéré de dire que les racines de cette émancipation sont profondes. On trouve plusieurs exemples de réussites féminines dans l’histoire du Canada français.
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