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Jusqu’à l’ouverture du pont de Québec en 1917, les résidents de Québec et de Lévis sont nombreux à surveiller la formation des glaces sur le fleuve, dans l’attente du signal de l’inspecteur des chemins autorisant la construction du pont de glace.
La glaciation ne se produit pas toujours de la même façon. Déplacés par les marées, des blocs de glace d’une épaisseur maximale d’un mètre, appelés bourguignons, émergent et s’enchevêtrent sur des superficies plus ou moins grandes, rendant la surface inégale. Certains hivers, un froid subit et intense gèle les eaux du fleuve en quelques heures, formant une étendue glacée unie comme un miroir. On raconte qu’en 1882 une patinoire immense s’est ainsi déployée sur toute la largeur du fleuve, entre Sillery et l’île d’Orléans, faisant la joie des petits et des grands.
Le fleuve gèle généralement à l’approche de janvier. Au début du 19e siècle, on construit le pont de glace en corvée. L’inspecteur des chemins supervise les volontaires outillés de pelles et de « grattes » rudimentaires, tirées par des chevaux. La Gazette de Québec rapporte qu’en 1811 on a nivelé et balisé de sapins deux chemins larges d’environ 10 m en six heures, soit de 8 h à 14 h.
L’épaisseur de la glace varie de trois à six mètres. Cependant, un redoux peut occasionner la rupture du pont plusieurs fois au cours de l’hiver. Il faut alors attendre une nouvelle période de gel pour circuler sans danger. La débâcle survient habituellement en avril, mais il arrive que le pont de glace subsiste jusqu’en mai.
Le pont de glace a aussi ses adversaires. Quelques passeurs et propriétaires de canots, qui font la traversée, tentent par tous les moyens d’empêcher les glaces de prendre ou de provoquer une débâcle prématurée. En 1865, les autorités municipales de Québec adoptent diverses mesures afin de protéger le pont de glace des vandales.
L’aller-retour entre les deux rives fait le bonheur des charretiers et des cochers, qui transportent voyageurs et marchandises. Chemin faisant, ils peuvent s’arrêter dans des cabanes pour se « réchauffer » au moyen de spiritueux... Échappant à la juridiction municipale, ces petits débits de boissons sont vertement dénoncés par les défenseurs des bonnes mœurs et de l’ordre public. François Langelier, maire de Québec entre 1882 et 1890, réussira à mettre fin à leurs pratiques.
Parfois plus qu’un pont, c’est un immense terrain de jeux d’hiver qui s’offre aux riverains. Ils inventent ainsi le voilier à glace, composé d’une simple plateforme sur patins, portant mât et voile, avec lequel ils atteignent des vitesses impressionnantes lorsque les vents sont favorables. En 1883, on rapporte que la surface glacée s’étend de la rivière Montmorency jusqu’à Cap-Rouge.
Le dernier pont de glace construit s’est rompu le 10 avril 1898. Il ne reste que des scènes croquées sur le vif et quelques photographies et cartes postales pour témoigner de l’époque où l’on « marchait sur les eaux »… glacées du fleuve, entre Québec et Lévis.
Un pont de glace se forme naturellement en 1924. Une foule insouciante s’aventure sur le fleuve. Une dizaine de personnes se retrouvent sur un radeau de glace, lorsqu’une partie du pont se détache avec la marée montante. On ne déplore heureusement aucune perte de vie.
Les brise-glace et les traversiers d’hiver empêchent désormais la formation d’un pont de glace sur le fleuve. En 1968, toutefois, un pont s’était formé entre Québec et Lévis. Le puissant brise-glace John A. Macdonald l’a rompu sans effort.
Bruneau, Robert. La petite histoire de la traverse de Lévis. Québec, ministère des Transports, 1983.
Banque de renseignements des archives de la Ville de Québec.
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